Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS) et risque infectieux

Article rédigé par le CRPV de Dijon, paru dans « Les échos de Pharmacovigilance », bulletin de l’interregion Est-n° 19

En 2002, une première enquête de pharmacovigilance avait été réalisée par les Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV) de Tours et Angers sur le risque d’infection de la peau et des tissus mous associé aux AINS en pédiatrie lors de la varicelle. Les Résumés des  Caractéristiques des Produits avaient été modifiés en 2004 pour refléter le risque alors mis en évidence dans cette enquête.

Depuis, de nouvelles données ont conduit à la réalisation d’un second travail sur le risque infectieux associé aux AINS, réalisé par les mêmes CRPV et présenté au comité technique de pharmacovigilance de mai 2016. Ce travail a consisté en l’analyse des cas issus de la Base Nationale de Pharmacovigilance (BNPV) de 2002 à 2016 et en une revue de la littérature.

Les AINS concernés étaient ceux ayant une indication dans la fièvre et/ou la douleur non rhumatologique : ibuprofène, kétoprofène, diclofénac, acide niflumique, acide tiaprofénique, flurbiprofène, naproxène, acide méfénamique, alminoprofène, fénoprofène,  dexkétoprofène.

Parmi les 547 cas retenus dans la BNPV (cas évoquant une infection bactérienne), 62% concernaient des adultes et 38% des enfants. L’ibuprofène était l’AINS le plus représenté (66% des cas), suivi du kétoprofène (17%), du diclofénac et de l’acide tiaprofénique (5% chacun). Parmi ces cas, 36 décès étaient retrouvés dont 6 concernaient des enfants. Ces décès étaient consécutifs à un choc septique (n=16), une fasciite nécrosante (n=5), une cellulite ou une dermohypodermite (n=5), une méningite (n=3), une septicémie (n=2), une infection non spécifiée (n=2), une pyélonéphrite (n=1) et un purpura fulminans (n=1).

Dans la littérature, 2 études mettaient en évidence une augmentation statistiquement significative du risque d’infection de la peau et des tissus mous en cas de prise d’AINS au cours de la varicelle chez l’enfant ou du zona chez l’adulte (Mickaeloff 2007, Dubos 2008) et deux autres études montraient une augmentation du risque d’infection invasive à Streptocoque du groupe A (Factor 2005, Lamagni 2008). Par ailleurs, 4 études différentes soulignaient le risque augmenté de complications suppuratives des pneumopathies communautaires en cas de prise d’AINS avant l’admission à l’hôpital (Byington 2002, François 2010, Voiriot 2011, Messika 2014).
Enfin, 2 études sur animal ont mis en évidence une accélération de la progression des infections à Streptocoque βhémolytique du groupe A (SBHA) et une augmentation de la mortalité chez les souris recevant un AINS versus des souris témoins (Weng 2011, Hamilton 2014).

Au total, les résultats de ce travail de synthèse sur infections et AINS soulignent 3 points importants :

  • les infections pulmonaires et pleuropulmonaires sont très représentées tant chez l’enfant que chez l’adulte, même si les infections cutanées restent les plus fréquentes,
  • le nombre important de notifications d’infections graves chez l’adulte, en particulier cutanées, au décours de la prise d’un AINS pour fièvre et/ou douleur non rhumatologique, indiquant que cette complication n’est pas limitée au contexte de varicelle chez l’enfant.
  • depuis 2002, 1 à 2 décès sont notifiés par an dans ce contexte, chez des patients (enfants et adultes jeunes) sans facteur
    de risque connu.

Les études épidémiologiques réalisées depuis 2002 tendent à montrer que les AINS majorent le risque de survenue d’infection bactérienne de la peau et des tissus mous chez l’adulte en cas de zona, d’infection invasive à SBHA chez l’enfant, et de complications suppuratives pleuropulmonaires en cas de pneumonie communautaire chez l’adulte et chez l’enfant. Elles confirment le risque chez l’enfant en cas de varicelle.
Les études expérimentales corroborent les résultats des études épidémiologiques.

Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer le rôle favorisant des AINS dans la survenue d’une infection bactérienne grave :

  • en masquant les signes d’une infection bactérienne débutante, les AINS retarderaient son diagnostic et son traitement,
    favorisant ainsi l’évolution vers une forme plus grave.
  • en cas d’infection à SBHA, les AINS augmenteraient le risque de dissémination et diminueraient l’effet de l’antibiothérapie
    soit par effet inhibiteur de la fonction leucocytaire, soit par une production accrue d’IL1, d’IL6 et de TNFα (Weng
    2011, Hamilton 2014).

En pratique, il est souhaitable de ne pas utiliser les AINS en cas de varicelle chez l’enfant. D’autre part, il paraît nécessaire d’informer les professionnels de santé et les patients du risque de complication bactérienne sévère lors la prise d’AINS pour une fièvre ou une douleur, chez l’adulte et l’enfant, lors d’une infection débutante, plus particulièrement à streptocoque A (pathologie cutanée, angine, …) ou à pneumocoque (pneumopathie, toux fébrile…).

1-http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/daf518b6d9288723d3e192a9b513415c.pdf

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