Ordonnances falsifiées: collyre MYDRIATICUM® multidoses

Editorial du bulletin Brèves de Pharmacosurveillance n°59 (CRPV de Lille)

Du collyre dans les veines : avez-vous déjà été confrontés à des demandes suspectes ou à des ordonnances falsifiées pour du collyre MYDRIATICUM® multidoses ?
Décrit depuis quelques années en Russie, au Kazakhstan et en Turquie, le mésusage par voie intraveineuse du  MYDRIATICUM® (collyre de tropicamide) a été signalé à l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT) en 2013 (1). Un suivi d’Addictovigilance est mis en place au niveau national en 2016 devant des demandes signalées à Toulouse puis en Rhône-Alpes, en Normandie et en Ile-de-France. Depuis 2017, la région des Hauts de France est concernée. Le phénomène est actuellement en expansion et le nombre d’ordonnances frauduleuses  signalées lors des enquêtes OSIAP (Ordonnance Suspecte – Indicateur d’Abus Possible) menées par le réseau d’Addictovigilance avec les pharmacies d’officine, est passé de 54 en 2014 – 2015 à 80 pour la seule année 2016 (2).
Les effets recherchés sont déclarés par les consommateurs : un renforcement des effets de l’héroïne, une euphorie, une réduction des signes de sevrage opiacé et d’autre part, des hallucinations. Souvent injecté en association avec l’héroïne, le tropicamide est parfois utilisé seul en cas de manque d’opioïde.

Le mécanisme d’action pharmacologique est actuellement mal connu(3). Pour rappel, le tropicamide est un dérivé parasympatholytique de synthèse ayant des propriétés pharmacologiques proches de celles de l’atropine. Il est indiqué par voie oculaire pour obtenir une mydriase en pré-opératoire ou pour réaliser des examens du fond d’oeil. En usage par voie locale et même à doses thérapeutiques, le tropicamide peut atteindre la circulation générale et entraîner des effets indésirables systémiques atropiniques (tachycardie, rougeur du visage, hyperthermie, sécheresse buccale, constipation) particulièrement rapportés chez les enfants et les personnes âgées. Des troubles neurologiques tels qu’une agitation ou au contraire une somnolence brutale, une confusion, des convulsions et des hallucinations peuvent également survenir (4). A fortes doses, des troubles du rythme cardiaque, un délire voire un coma sont possibles.

Les risques liés à l’administration par voie IV sont donc à la fois une toxicité aiguë cardiovasculaire et neurologique et une intoxication chronique avec apparition de troubles psychotiques. Sans oublier les complications infectieuses liées à l’usage de la voie parentérale (3) !
Les données manquent actuellement sur ce sujet et vos notifications apporteront une aide précieuse pour une meilleure compréhension de ce phénomène.

(1) http://www.emcdda.europa.eu/publications/implementation-reports/2013
(2) Br J Clin Pharmacol 2017;83:1791-1800.
(3) Hum Psychopharmacol 2015;30:262-264.
(4) http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/a5499e453cee18d050be8b35699
c98e0.pdf

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