Le Centre Régional de Pharmacovigilance de Lille a récemment publié une étude décrivant les situations cliniques associées aux acidoses lactiques sous metformine.
La metformine, seul antidiabétique de la famille des biguanides, est indiqué dans le traitement du diabète de type 2. Elle est commercialisée en France depuis la fin des années 50. L’un de ses effets indésirables les plus graves est l’acidose lactique. Son incidence varie de 2 à 60 cas pour 100 000 patients avec un taux de mortalité pouvant atteindre 35%. L’acidose lactique apparait lors d’une augmentation des concentrations plasmatiques de metformine, le plus souvent suite à une baisse de la fonction rénale. Le mécanisme est complexe et multifactoriel. D’une part, la metformine induit une baisse de l’absorption intestinale de glucose qui est alors métabolisé en lactate au niveau splanchnique. D’autre part, l’inhibition de la néoglucogenèse hépatique empêche la métabolisation du lactate produit par le muscle. Enfin, l’inhibition du complexe I de la chaîne respiratoire accélère la glycolyse, oriente le métabolisme vers un fonctionnement anaérobie et aboutit à une baisse de la consommation d’oxygène (VO2) et à la production de lactate.
L’acidose lactique se présente initialement par des symptômes non spécifiques (malaise généralisé, diarrhées, vomissements). Son évolution peut être rapidement défavorable et exiger une prise en charge en réanimation.
Cette étude a été réalisée à partir des cas recueillis dans tous les services de réanimation des départements du Nord-Pas-de-Calais sur une période de 24 mois (entre le 01/01/2017 et le 30/12/2018).
Les acidoses lactiques induites par la metformine étaient identifiées par une valeur de lactate >2,2 mmol/L et une metforminémie > 2,3 mg/dL.
Un total de 198 a été inclus. La moyenne d’âge des patients était de 70 +/- 9 ans et 54% des patients étaient des femmes. 38 patients (19,2%) sont décédés des conséquences de l’acidose lactique. Il a été retrouvé une corrélation entre la concentration plasmatique en metformine et l’insuffisance rénale ainsi qu’avec la sévérité de l’acidose lactique. La dose moyenne de metformine était de 2,3 +/- 0,7 g/j. Il a été retrouvé chez 40,9% des patients au moins un antécédent médical pouvant favoriser la survenue d’une acidose lactique (insuffisance respiratoire, alcoolisme, insuffisance rénale…) et 78,3% des patients étaient traités par au moins un médicament pouvant altérer la fonction rénale. Tous les patients présentaient un événement intercurrent favorisant la survenue d’une acidose lactique, notamment une déshydratation (43,9% des patients, en particulier sur les mois d’été) ou une infection sévère (32,8%). Chez 86,7% des patients, la prescription n’était pas adaptée à la situation intercurrente.
L’acidose lactique a été évaluée comme évitable chez 160 patients (80,8%).
Cette étude rappelle que la survenue d’une acidose lactique doit être envisagée chez tout patient traité par metformine et des conseils de réduction de dose, voire d’arrêt temporaire, doivent être donnés aux patients lors de situations à risques intercurrentes (infections, pertes digestives) ou lors d’épisodes de canicules. L’information doit être délivrée de façon large à tous les professionnels de santé, médecins, pharmaciens, infirmiers, afin de prévenir au mieux ce risque et de détecter rapidement les premiers signes afin d’éviter l’évolution vers une forme sévère.
Référence :
Gautier S, Truong-Minh J, Béné J, Temime J, Granier M, Hennart B, Bergeron S, Jaillette E. Lactic acidosis with metformin accumulation in the intensive care units of the Nord Pas de Calais region: A known serious adverse event that can be better prevented. Therapie. 2025 Jul-Aug;80(4):438-448.