Le finastéride, un inhibiteur de la 5-alpha-réductase, est largement prescrit pour le traitement de l’alopécie androgénétique à la dose de 1 mg par jour. Si sa modeste efficacité (stabilisation de la chute capillaire) est démontrée, elle doit être mise en balance avec des effets indésirables sexuels bien décrits et surtout des effets psychiatriques encore insuffisamment reconnus en pratique clinique. Une nouvelle étude française menée par le CRPV de Limoges à partir des données de la base nationale de pharmacovigilance (BNPV) apporte des données importantes sur le sujet (1).
Les auteurs ont réalisé une analyse rétrospective des cas rapportés à la pharmacovigilance entre 1985 et mai 2024. Ils ont identifié 40 cas de troubles dépressifs ou suicidalité non associés à une dysfonction sexuelle ou troubles de la libido chez des hommes traités par finastéride 1 mg/jour pour une alopécie androgénétique. La population était constituée d’hommes jeunes, avec un âge médian de 31 ans (min : 18 ; max : 64 ans). La majorité des cas (62,5 %) ont été classés comme graves. Sur le plan temporel, dans la moitié des cas, les symptômes sont survenus dans les 9 premiers mois suivant l’initiation du traitement mais une grande variabilité des délais de survenue est notée (de 2 jours à 16 ans). Le risque suicidaire est préoccupant puisque la suicidalité était présente dans 40 % des cas (idées suicidaires, voire tentatives de suicide). Chez les hommes, ce résultat revêt une importance clinique majeure compte tenu du taux de létalité plus élevé des méthodes employées comparé aux femmes. Enfin, seuls 22,5 % des patients présentaient un antécédent psychiatrique personnel ou familial, suggérant que ces effets indésirables peuvent survenir chez des individus sans facteur de risque psychiatrique identifié. Plusieurs éléments suggestifs d’une relation causale entre le médicament et l’effet ont été mise en évidence :
- L’évolution favorable après arrêt du traitement. L’étude met en évidence que 45,2 % des patients ayant interrompu la finastéride rapportent une amélioration de leurs symptômes. Néanmoins, cette amélioration n’est pas systématique : dans les cas non résolus, la durée médiane de persistance des symptômes dépressifs après l’arrêt atteignait 20,2 mois, ce qui soulève des questions importantes sur le caractère potentiellement irréversible de ces effets indésirables psychiatriques.
- Des cas de rechallenge positif : deux patients ont présenté une récurrence des symptômes dépressifs lors de la réintroduction du traitement après amélioration initiale post-arrêt du traitement.
En se focalisant sur les troubles dépressifs sévères isolés, l’étude se distingue des publications qui lient troubles psychiatriques et sexuels ou les associent sous l’entité « syndrome post-finastéride ». Ici, l’hypothèse selon laquelle la dépression serait secondaire à la dysfonction sexuelle induite par le traitement est remise en question puisque l’étude ne s’est intéressée qu’aux cas de dépression ou suicidalité isolés. Parmi les mécanismes évoqués, la perturbation des neurohormones stéroïdes, est mise en avant par les auteurs.
Sur le plan clinique, ces résultats soulignent l’importance d’une vigilance accrue lors de la prescription initiale du finastéride et pendant toute la durée du traitement. Même en l’absence d’antécédents psychiatriques, un dépistage systématique des symptômes dépressifs et des idées suicidaires doit être effectué, à l’instar de ce qui est recommandé pour l’isotrétinoïne. Un suivi psychologique rigoureux est préconisé à chaque renouvellement de prescription. Enfin, un arrêt précoce et une évaluation psychiatrique doivent être systématiquement réalisés dès l’apparition de symptômes psychiatriques, avec une gestion préventive des risques. En effet, en raison de quelques cas de suicide rapportés, tout syndrome dépressif chez un patient sous finastéride doit considérer la gravité potentielle de ces symptômes, et agir comme si la situation pouvait se compliquer rapidement (1-2).
Références :
- Géniaux H, Laroche ML. Isolated depressive disorders and suicidality with finasteride use for androgenetic alopecia: A call for enhanced vigilance. Therapie. 2025 Sep 18 :S0040-5957(25)00110-6
- ANSM. Réévaluation européenne de la balance bénéfice/risque des médicaments contenant du finastéride ou du dutastéride (25/09/25) https://ansm.sante.fr/actualites/reevaluation-europeenne-de-la-balance-benefice-risque-des-medicaments-contenant-du-finasteride-ou-du-dutasteride
