Inhibiteurs du cytochrome 2D6 et exposition au long cours par tamoxifène : une interaction à revisiter !

Article extrait du BIP Occitanie n°3

Le tamoxifène est indiqué dans le traitement du cancer du sein hormono-dépendant. C’est un pro-médicament métabolisé par le cytochrome P450 2D6 (CYP2D6) en son principal métabolite actif, l’endoxifène. Les médicaments inhibiteurs du CYP2D6 peuvent ainsi entrainer une baisse de la concentration plasmatique de l’endoxifène pouvant aller jusqu’à 75% et réduire ainsi l’efficacité du tamoxifène sur la récidives de cancer du sein. Parmi les antidépresseurs, les inhibiteurs les plus puissants du CYP2D6 sont la fluoxétine, la paroxétine et la clomipramine. Environ 11% de femmes prennent de façon concomitante du tamoxifène et un antidépresseur (Therapie 2014, 69, 178).

Une étude effectuée sur dix patientes prenant du tamoxifène et un inhibiteur de la sérotonine (IRS) à fort potentiel inhibiteur du CYP2D6 (fluoxétine ou paroxétine) qui sont « switchées » vers un IRS à plus faible potentiel inhibiteur du CYP2D6 (escitalopram) montre, effectivement, les taux d’endoxifène augmenter d’un facteur 3 (Clin Pharmacokinet. 2016, 55, 249). Malheureusement, les informations sur ces interactions sont parfois discordantes entre les Résumés des Caractéristiques du Produit (RCP), les monographies du dictionnaire Vidal® et le Thésaurus des interactions médicamenteuses, outil d’information de référence édité et mis à jour par l’ANSM. La question reste donc posée sur le choix de l’IRS le « moins » à risque. La prudence est recommandée avec les autres IRS (sertraline, fluvoxamine, dapoxétine, citalopram et escitalopram, vortioxétine) et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (milnacipran et venlafaxine), eux aussi métabolisés par le CYP2D6.

Deux études de cohortes ont exploré la potentielle inefficacité de l’association tamoxifène et IRS mais n’ont pas retrouvé d’augmentation du risque cancéreux (J Natl Cancer Inst. 2015, 108, 337 ; BMJ. 2016, 354, 15014). Dans l’étude de 2016, les auteurs ne montraient pas non plus d’augmentation de la mortalité en comparant l’association à des IRS forts inhibiteurs du CYP 2D6 et ou à d’autres IRS. Cependant, des biais existent du fait des nombreux facteurs confondants non explorés (niveau d’hormonodépendance, type de cancer, médicaments anticancéreux antérieurs, …). Il est dommage que le dosage de l’endoxifène ne soit pas disponible dans la pratique courante car il permettrait un suivi des concentrations plasmatiques du tamoxifène et de l’endoxifène et donc d’évaluer le risque d’interaction pour chaque patiente. Il est également impirtant de souligner que les patientes ayant un polymorphisme génétique entrainant une activité faible/nulle du CYP2D6 ne métabolisent pas le tamoxifène en son métabolite actif l’endoxifène.

Il existe de nombreux autres médicaments inhibiteurs du CYP 2D6 qui posent le même problème que l’association tamoxifène et IRS. Parmi ces derniers (liste non exhaustive), citons des médicaments usuels comme des antiarythmiques (amiodarone, flécainide, propafénone), des antipsychotiques (halopéridol, chlorpromazine, levopromazine, promethazine, quétiapine, rispéridone), des dérivés de la quinine (chloroquine, hydroquinidine, quinidine), l’antimycosique (terbinafine) et le dérivé amphétaminique bupropion.

Il est donc indispensable que tout médicament prescrit en association avec le tamoxifène soit évalué sur son potentiel effet à diminuer la quantité formée d’endoxifène, métabolite actif du tamoxifène.

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