Article extrait du bulletin VigipharmAmiens septembre-octobre 2018
Les AINS sont un facteur de risque d’événements cardiovasculaires. Cela a été démontré avec les inhibiteurs spécifiques de la cyclo-oxygénase de type 2 (COX-2), les coxibs.
Le risque de favoriser la survenue d’AVC et d’infarctus du myocarde existe aussi avec les AINS non sélectifs de COX-2, mais à un moindre degré. Parmi ceux-ci, le diclofénac était ressorti dans une évaluation réalisée en 2012-2013 comme plus à risque que les autres AINS dits « classiques ».
Pour cette raison, il avait été décidé au niveau européen (1) de le contre-indiquer en cas :
– d’insuffisance cardiaque congestive avérée (stades III et IV de la NYHA)
– de cardiopathie ischémique
– d’AOMI
– de maladies vasculaires cérébrales.
Une nouvelle étude (2) publiée en ligne le 4 septembre 2018 vient confirmer ce risque et incite à la prudence vis-à-vis de son utilisation. Cette étude est basée sur l’analyse des données provenant de registres relevant de façon prospective les données médicales de la population danoise (étude de cohorte). Les données analysées portaient sur 1 370 832 patients traités par diclofénac, 3 878 454 par ibuprofène, 291 490 par naproxène, 764 781 par paracétamol et enfin 1 303 209 non traités par AINS ou paracétamol. La taille des échantillons examinés ici est très supérieure à celle incluse dans le total des différentes études réalisées jusqu’à maintenant (observationnelles + randomisées). Les auteurs ont analysé les événements cardiovasculaires faisant suite à la mise en route d’un traitement par diclofénac par rapport à celle d’autres médicaments ou à l’absence de traitement. Ils ont pu mettre en évidence que les événements indésirables cardiovasculaires majeurs à 30 jours de
l’instauration du traitement étaient augmentés de 50 % par rapport à l’absence de prise médicamenteuse, de 20 % par rapport à celle de paracétamol ou de l’ibuprofène et de 30 % par rapport à celle de naproxène. Le risque de saignement digestif était similaire sous diclofénac et sous
naproxène. La majoration du risque sous diclofénac par rapport à la non-utilisation d’un AINS était
de 20 % pour la fibrillation auriculaire, de 60 % pour les AVC ischémiques, de 90 % pour les infarctus du myocarde et de 70 % pour les décès cardiovasculaires. Les auteurs concluent qu’il est souhaitable de réserver le diclofénac à la prescription médicale pour les formes orales et injectables (ce qui est déjà le cas en France, pas d’auto-médication) et de ne le prescrire qu’en seconde intention après d’autres AINS.
Presque simultanément (septembre 2018), était publiée une méta-analyse des études de cohorte ou cas-contrôle publiées sur le sujet entre 1999 et juin 2018 (3). Les auteurs concluent au fait que l’AINS ayant le plus haut risque d’induire des événements indésirables cardiaques était le rofécoxib (Vioxx, retiré du marché pour cette raison en septembre 2004) (+ 39 %) suivi du diclofénac (+ 34 %) puis de l’étoricoxib (Arcoxia).
L’ANSM, à la suite de l’étude populationnelle danoise, a diffusé un nouveau message de prudence concernant l’utilisation du diclofénac (1) en rappelant les règles de bon usage des AINS telles que diffusées en août 2013 (4) et où figurait, en particulier, la notion d’une évaluation préalable du niveau de risque cardiovasculaire avant la prescription ainsi que l’utilisation à la dose efficace la plus faible pendant la durée la plus courte possible.
Le risque cardiovasculaire du diclofénac avait déjà fait l’objet d’une évaluation par le PRAC (Comité européen d’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance) qui avait alors conclu à un rapport bénéfice-risque qui restait favorable. De nouvelles contre-indications avaient alors été introduites : insuffisance cardiaque congestive avérée, cardiopathie ischémique et/ou maladie vasculaire cérébrale.
Le diclofénac devrait faire l’objet d’une nouvelle évaluation européenne en début d’année 2019, évaluation qui prendra en compte les résultats de l’étude danoise.
(1) ANSM. Rappel du bon usage du diclofénac après la publication d’une nouvelle étude relative au risque cardiovasculaire. 26/09/2018.
(2) Schmidt M et coll. Diclofenac use and cardiovascular risks : series of nationwide cohort studies. BMJ 2018 ; 362 : k3426. Published 4 september 2018. DOI:10.1136/bmj.k3426.
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